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La géologie au service de l'exception joaillière

Publié le 10/09/2014

  • La géologie au service de l'exception joaillière

Broche Van clef & Arpels surmonté d'une émeraude, de saphirs et de diamants sur Or gris

 

 

Passage obligé, la place Parisienne Vendôme connu  pour ses façades abritant le Luxe haute couture, la joaillerie et l'horlogerie.

Les collections de bijoux présentées en clôture des défilés haute couture ne sont jamais plus riches et étonnantes que lorsque approche la Biennale des antiquaires. Ce rendez-vous des objets d'exception se tient tous les deux ans à Paris et accueille également les créations joaillières les plus incroyables. La prochaine édition de la Biennale aura lieu en septembre. Tous les joailliers participants rivalisent d'inventivité, tandis que ceux qui ne sont pas conviés multiplient les idées pour ne pas être à la traîne. Résultat : des collections impressionnantes qui associent design original et pierres rares. Mais les pierres les plus grosses et les plus classiques ne sont pas les seules stars.

 

MINÉRAUX LES PLUS SURPRENANTS


Bien sûr, il est toujours de bon ton de mettre en valeur un beau diamant d'une taille et d'une pureté exceptionnelles, une émeraude d'un vert intense à donner des envies de chlorophylle. Mais la nature est cruelle avec le monde policé de la joaillerie : quand elle cesse de donner, c'est sans espoir. Impossible de recréer artificiellement les gemmes d'une mine épuisée. Les créateurs de bijoux et les gemmologues doivent trouver d'autres solutions, et la terre, avec ses milliers d'années de bouleversements chimiques souterrains, ne manque pas d'idées, de couleurs ou de mixtures atomiques pour satisfaire toutes les envies.

Broche opale noire et diamants signé Boucheron

 Les dernières collections de haute joaillerie en sont la preuve : elles ressemblent à un inventaire extraordinaire des minéraux les plus surprenants. Parmi eux, le dioxyde de silicium hydraté s'est fait une place dans de nombreuses collections. Il est plus connu sous le nom d'« opale », cette pierre étrange aux mille reflets arc-en-ciel provoqués par la réfraction de la lumière au coeur de sa structure moléculaire unique.

Cette drôle de pierre aux nuances hypnotiques ou inquiétantes est l'objet de nombreuses légendes. Les aborigènes d'Australie, le pays le plus riche en opale, racontent qu'en posant le pied sur Terre le créateur a donné vie à ces pierres changeantes. En Angleterre ou en Chine, elles portent bonheur, mais en France c'est le contraire : Napoléon Ier offrit à son épouse une incroyable opale rougeoyante baptisée L'Incendie de Troie (une opale de feu, aujourd'hui disparue), avant d'avoir un accident avec un carrosse du nom d'« Opale ».

 

L'OPALE EST FRAGILE ET DIFFICILE À TAILLER


Sa mauvaise réputation poursuivit longtemps cette gemme, une aura de malheur qui a, en fait, une origine très prosaïque : l'opale est fragile et difficile à tailler, les lapidaires et sertisseurs ont donc préféré s'en débarrasser en lui collant cette étiquette maléfique.

Mais les joailliers contemporains n'ont plus peur de se la réapproprier. Chez Louis Vuitton, maison relativement nouvelle sur le terrain de la joaillerie, on croise une impressionnante opale d'Australie de 87,92 carats.

Ses lignes triangulaires sont en accord avec le thème d'une collection qui reprend le monogramme Art déco créé par Gaston Vuitton, une signature dont le V abstrait se prête à des interprétations stylées et subtiles. Egalement au menu de cette ligne, un saphir bleu gris étonnant, venu de la vallée de Mogok, dans le centre de la Birmanie, haut lieu de l'extraction de pierres précieuses. Il doit sa couleur à un phénomène de cristallisation et à la présence de particules de fer. Les saphirs de cette nuance pèsent le plus souvent autour de 5 carats, mais celui-ci monte fièrement à 20,94.


Parure de diamants or gris surmonté de saphir, d'émeraude et d'opale noire

Chez Chaumet, la créatrice Claire Dévé-Rakoff a lâché les tics napoléoniens de la maison qui fournissait autrefois l'empereur pour dessiner douze parures sur le thème de l'eau dans tous ses états. Une jolie idée réalisée avec beaucoup de fraîcheur et nombre de pierres singulières. Composée en partie d'eau, l'opale avait une place logique dans ce récit fleuve : une opale blanche d'Ethiopie de 39,05 carats orne donc une manchette sertie de saphirs violets, dont les nuances semblent se diluer dans l'iridescence de la pierre de centre. Pour figurer une eau muée en glace, la créatrice s'est emparée d'un matériau peu commun : un cristal de roche givré à l'opacité laiteuse et dense, qui imite l'iceberg avec aplomb ; associé à du platine et à des diamants, il compose de grosses bagues de cocktail ultramodernes aux faux airs de sculptures de marbre.


PIERRES À HISTOIRE DES TRÉSORS CONVOITÉS


La maison Boucheron a consacré sa collection destinée à la Biennale aux voyages. Chine, Japon, Inde, Russie et Perse inspirent des parures sophistiquées. Pour imiter l'architecture des jardins indiens, deux bagues jumelles associent volutes de diamants et opales de centre – noires ou blanches – figurant une pièce d'eau. Des objets aussi fascinants à porter qu'à observer : les nuances multicolores libérées par l'opale blanche à la lumière la font paraître tour à tour nacrée ou orange flambant.

Autre possibilité pour se démarquer : la pierre ancienne, doublement rare par sa qualité et son parcours unique. Alors que certaines mines s'épuisent, les pierres à histoire sont des trésors de plus en plus convoités. Boucheron s'est offert une émeraude du XVIIe siècle originaire de Colombie et parée de gravures mogholes. Elle vit désormais une nouvelle vie sur un collier de diamants dont l'éclat immaculé contraste avec ses reflets verts mystérieux. L'émeraude est une pierre qui peut réserver des surprises, même quand on croit tout connaître de cette pierre précieuse traditionnelle et très coûteuse, verte, forcément verte.

 

Les gemmologues de Van Cleef & Arpels en ont trouvé une très étonnante au Brésil. Avec sa taille ovale, elle détonne déjà dans un univers joaillier où on la connaît surtout rectiligne. Sa couleur bleu-vert quasi extraterrestre, qui la rapproche de la tourmaline Paraiba (du nom d'une mine épuisée qui produisait des tourmalines d'une teinte très proche), est une vraie curiosité. D'autant que les mines brésiliennes produisent rarement des pierres aussi pures. Cette gemme royale a aujourd'hui une place de choix : au centre d'un clip « Château enchanté », tiré d'une collection-conte sur le thème de Peau d'âne.


COLLECTION « CAFÉ SOCIETY »


Les pierres de la collection Chanel ont l'air sages en comparaison : de superbes diamants jaunes, des saphirs roses ou padparadscha (rose-orangé, venus du Sri Lanka), des aigues-marines délicates ponctuent une collection « Café Society ». Inspirées par les lignes Art déco et l'effervescence nocturne et culturelle des années 1920, ces parures se distinguent par un jeu original sur le noir et blanc cher à la maison. L'onyx à facettes ou en perles, posé en baguettes géométriques pour contredire les cercles de diamants façon bulles de champagne, souligne les volumes comme un trait d'eye-liner.

Le cristal de roche et les diamants imposent une teinte immaculée, toile de fond indémodable, tandis que des touches de laque rouge, comme une bouche dessinée au fard, osent s'insinuer dans un univers précieux. La joaillerie moderne échappe de plus en plus aux dogmes de la discipline, sans s'appauvrir. Tant mieux.


LE MONDE
Carine Bizet ( le magazine)


 

 

 

 

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